PEUR
Peur de manquer, peur de ne pas y arriver, peur de déplaire, peur d’être trahi, peur de rater le train, peur du noir, peur de ne pas avoir le temps, peur qu’on se moque de moi, peur de lui - d’elle, peur d’eux, peur de ce qu’on va penser de moi, peur de paraître ridicule, peur qu’on me prenne ou qu’on me donne quelque chose, peur d’avoir mal, peur de faire du mal, peur des éclairs et de l’orage, peur de la vitesse, peur d’être puni, peur de manquer de respect, peur de se sentir responsable du mal-être de quelqu’un, peur de la guerre, peur de ne pas maîtriser-contrôler, peur de mes émotions, peur du regard des autres, peur des araignées / des serpents, peur des esprits, peur de manquer d’amour, peur d’être malade, peur du conflit, peur d’être rejeté, peur d’être abandonné, peur de la mort, peur de l’inconnu, peur de se retrouver seul, peur de la vieillesse, peur de la foule, peur de se tromper, peur de mal faire, peur d’être incompris, peur de dieu...
Peur de tout, peur du rien,
Peur de… quoi, de qui ?
Peur d’avoir peur…
Nous savons tous ce que sont les émotions, ou tout du moins nous connaissons leur existence par le fait que nous les ressentons. Toutefois il n’est pas évident que nous sachions exactement ce qu’elles sont, d’où elles viennent, où elles vont, et à quoi elles servent vraiment. Nous pouvons constater que des sensations particulières apparaissent dans notre corps et dans notre esprit quand un événement nous percute. Il semblerait que nous ayons assez peu la main sur ces émotions, si c’était le cas il y aurait sans doute moins de violence sur terre. Quand une situation nous touche de près on dirait que quelque chose veut sortir de notre être, comme une énergie interne autonome qui voudrait sortir de nous pour respirer à l’extérieur, pour s’exprimer dehors. Et si l’on ne lui permet pas de sortir, ça bouillonne à l’intérieur, ça peut se contracter, durcir et s’enkyster. Une émotion est un mélange de sensations corporelles et de sentiments, d’idées et d’images.
La peur est une émotion particulière dans le sens où elle est à la base de notre existence psychique, et elle est intimement chevillée au corps physique. La peur de mourir - ou de la douleur - est nécessaire pour assurer la pérennité de notre corporalité. Tous nos sens instinctifs sont orientés vers la vie, nous possédons des réflexes de survie incroyables d’efficacité et d’ingéniosité. Les personnes qui mettent fin à leur existence sont celles dont les mécanismes de survie sont défaillants, essentiellement pour des raisons psychiques. La peur de mourir est donc nécessaire à la vie – elle pousse l’individu à s’adapter à toutes sortes de situations, sinon il y aurait bien longtemps que notre espèce serait éteinte.
Toutefois un problème de taille se lève quand nous avons peur de nos peurs. Par exemple, le conflit. Si j’ai l’idée qu’un conflit peut générer chez moi de la violence, du rejet ou de la fuite, cela peut induire la peur du conflit. La peur s’étale du simple petit souci jusqu’à la frayeur intense allant parfois jusqu’à l’évanouissement. La peur fait détaler comme un lapin ou coupe les jambes, elle donne une force et une volonté extraordinaires ou fait se ratatiner sur place. C’est vraiment une énergie étonnante par ses aspects, ses effets multiples et paraissant parfois opposés.
Force est de constater que la peur génère très souvent de la colère. Ayant subi dans mon enfance (sans doute comme beaucoup de personnes) l’influence de la colère parentale, je me suis toujours posé la question du « pourquoi tant de haine » ? Pourquoi des gens censés nous aimer deviennent d’un coup des bourreaux ? Pourquoi un ami de toujours se retourne d’un coup contre moi ? Pourquoi, moi qui dit aimer ma femme, mon mari ou mes enfants j’ai tout-à-coup envie des les écrabouiller, les éradiquer, les tuer ? Étranges et surprenantes intentions.
Je propose ci-dessous deux pistes d’investigation, elles sont complémentaires et indissociables. D’une part je vais m’appuyer sur la théorie des Besoins (issue de la Communication Non Violente), et d’autre part la théorie de l’Ego.
La peur, comme les autres émotions, n’est pas notre ennemie, c’est un indicateur de manque, une alarme. Elle indique quel est le besoin en carence dans l’instant. Par exemple, si je ressens de la peur juste avant d’entrer en scène pour mon concert de musique, cela me précise qu’il y a une peur profonde de ne pas être à la hauteur, de faire des erreurs, d’être critiqué, peur du regard des autres, de l’échec, etc. Donc ce peuvent être des besoins de reconnaissance, d’être rassuré, soutenu et aimé qui soient déficients. Nous avons tous, peu ou prou vécu des expériences qui ont créé des vides, absences, manques affectifs qui sont autant de nœuds de souffrance (surtout s’ils sont nés lors de la prime enfance). De nombreuses recherches scientifiques ont révélé que le petit d’homme devait être nourri de toucher affectueux, de paroles douces, d’attentions soutenantes, bienveillantes et de joie pour se développer de manière harmonieuse. En tant qu’adulte, je pense ne pas être le seul à avoir vécu à de nombreuses reprises de sérieuses entorses à ces besoins basiques. Nos parents et la société font ce qu’ils peuvent pour leurs enfants, inutile d’être voyant extralucide pour deviner qu’ils se sont souvent plantés, vu la quantité d’antidépresseurs vendus. Je ne vais pas épiloguer ici sur les causes possibles de ce fait, mais juste en constater les effets par l’expression de cette émotion qu’est la peur.
Nos besoins sont multiples et variés, ils s’étalent des besoins vitaux (nourriture, air, hydratation, reproduction, abri, etc), en passant par des besoins relationnels (partage, écoute, chaleur humaine, réconfort, compagnie, etc), ou encore de sécurité (soutien, paix, protection, harmonie, etc). La liste est beaucoup plus longue, cela sous-entend que potentiellement nous pouvons avoir beaucoup de manques. Tous ces manques, en quantité ou/et en qualité produisent des effets d’insatisfaction, de frustration plus ou moins intenses. Cette intensité détermine la force de notre réponse émotionnelle première. Ensuite, chacun va faire ce qu’il peut avec cette énergie.
Si nous parvenons à comprendre intimement ce processus, il sera plus facile de le gérer pour le grand bien de soi, des autres, et de la nature.
Après toutes ces années d’observation de la peur chez moi et chez les autres, j’en vient à penser que la peur est un instinct de survie (comme dit plus haut) de l’ego. Ce que nous appelons habituellement ego est cette « chose » qui nous définit en tant qu’identité, qui fait de nous une personne séparée des autres. Ce qui fait que nous ressentons que ces « autres » peuvent être potentiellement dangereux pour nous à un moment donné, donc : méfiance. Le sentiment de séparation des autres donne la sensation de danger potentiel pour soi. Je vous engage à vraiment vous poser sur cette notion de séparabilité, de différence. Prenons le temps de sentir de quelle manière une situation (incluant ou non une autre personne) peut amener un sentiment d’inconfort, ou au contraire une sensation agréable. Tout dépend si l’ego se sent menacé ou pas. Absolument tous nos comportements sont basés sur la sensation, le sentiment, la croyance profondément ancrés que nous sommes une entité, que nous sommes quelqu’un. Les animaux et les plantes montrent aussi par leurs comportements qu’ils ont conscience d’être des êtres différents de leur entourage, puisqu’ils cherchent à s’en approcher ou à s’en défendre. Dans ce sens ils ont aussi une forme d’ego. Mais le notre s’est quelque peu déformé, car beaucoup d’entre nous peuvent se sentir menacé alors qu’aucune agression n’a été portée à notre encontre. Par exemple je peux me sentir mal à l’aise si je crois que quelqu’un « me regarde de haut », je pense qu’il me méprise, qu’il me toise, qu’il me manque de respect, qu’il se croit meilleur que moi, etc. Est-ce la réalité ? Est-il monté sur une chaise pour me voir de plus haut ? Qu’est-ce que je mets dans le regard de l’autre, si ce n’est mes propres peurs ? Et même si cette personne me dit qu’elle se croit meilleure que moi, dans quel domaine est-ce le cas, peut-elle le prouver ? Et si c’est le cas, pourquoi autant en souffrir ? Notre ego est tellement mal construit qu’il invente toutes sortes d’histoires pour continuer à subsister, et souffrir (même si ce n’est pas agréable) est aussi un moyen pour continuer à vivre. L’ego nous fait vivre dans un monde d’illusions.
Juste pour s’amuser, essayons d’imaginer une chose folle : ne pas avoir d’ego. Quelles pourraient en être les conséquences ?
C’est comme avoir le don d’ubiquité, être à plusieurs endroits en même temps. Je pourrais me parler à moi même, il n’y aurait pas de sentiment de séparation, je ne serais pas un autre individu. Comment pourrais-je me sentir en danger ? Si mon voisin n’est pas différent de moi, comment pourrait-il me nuire ? Pour percevoir cette sensation il est nécessaire d’être dans un état hors mental, hors concept, sans aucun jugement : c’est quasiment impossible.
A ce point de la réflexion, je peux me rendre compte que je peux me faire du mal tout seul (auto-dévalorisation par exemple) quand deux personnages discutent dans mon esprit. Comme si un ego ne suffisait pas, les innombrables facettes de notre personnalité se contredisent souvent au sein de notre intimité, surtout quand il y a une hésitation face à une situation, face à un choix à faire. Nous pouvons avoir des comportement bien différents selon à qui on parle, selon notre état d’esprit/humeur du moment, selon notre état de fatigue. Nous sommes multi-je, multi-personnages : comment ne pourrait-on pas y trouver de la discorde ? Nous ne pouvons y échapper.
Sauf si…
Sauf si nous apprenons à intégrer nos différents personnages, sauf si nous apprenons à ne pas nous battre contre eux, si nous essayons de les aimer (mais sans se forcer). Nous pouvons les considérer comme étant simplement des schémas comportementaux nécessaires à une adaptation momentanée face à une situation à chaque fois différente. Nous adoptons spontanément une attitude de préservation devant toutes les situations – réelles ou imaginées : constatons cela à chaque fois, sans jugement. Accueillons notre pluralité au sein d’un espace d’écoute bienveillante, c’est ainsi que se déconstruit peu à peu la croyance en la séparation. Un sentiment d’union avec nos « autres moi » naît tranquillement, on se recentre, on se réunit, on s’ancre en soi. Je vous laisse constater tous les bienfaits d’une telle attitude.
Comment peu-on se sentir bien si on se sent écartelé, fragmenté, dispersé ? C’est le sentiment d’unité qui rassure, la sensation de fraternité : l’autre est comme moi, il me veut du bien. Et c’est tellement bon à ressentir, on se sent en sécurité, il n’y a pas d’ennemi, pas de danger physique ni psychologique. Ce qui est en moi peut s’exprimer en toute quiétude, je ne serais pas puni pour cela. C’est un autre monde, celui du partage sans jugement, de l’écoute sans attente. La peur s’amenuise, les réactions émotionnelles sont moins fortes, moins fréquentes et durent moins longtemps. Nos actions sont plus posées et correspondent mieux à la réalité des situations, elles s’appuient sur des faits et non plus sur des suppositions.
Je n’ai plus peur d’avoir peur, car s’est imposée la réalisation que cette dernière est inhérente à mon état d’être vivant qui veut continuer à vivre, coûte que coûte.
L’ego se réunifie et devient un véritable JE.
Et c’est seulement à partit de ce moment là que peut commencer sa dissolution, mais ça... c’est une autre histoire.
Christian Patouillard
Oui cette peur qui n’empêche pas le conflit ni le rejet. Qui prend au ventre,qui nous dit que plus rien n’est possible .
L’adversité qui me saisie alors que je me
croyais insaisissable.
Encore un enfant qui me crie sa douleur ,encore un qui me fuit,encore un qui souffre et que je ne peut guerrir.Encore un qui me dit .
Vas t’en .
Le petit personnage qui pleure et dit pitié à moi .Il est là..je l’écoute, le console.Il en veut plus parfois.celui la c’est le mien.
Mais le sient,celui qui crie,celui qui nous sépare.Je n’y ai pas accès,Il reste le silence.
La peur de tout perdre à jamais me tient muette et attentive à toute manifestations.
Mon corps est là ,lui
il parle beaucoup et c’est vrai qu’il me fait oublier de penser.
Voilà ça va mieux .je l’ai dit.
J’ai juste peur de ne pas y arriver