Méfions nous des apparences !

 

 

 

Dans l’article précédent je vous ai parlé de la réalité des illusions que nous projetons constamment comme étant des réalités à part entière (comme « la forêt »).

Dans celui-ci nous allons voir comment nous projetons une réalité intérieure (bien souvent illusoire) sur une personne ou un événement extérieur.

Prenez le temps de regarder attentivement l'image ci-dessous.

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Que voyez-vous ?

Jouez le jeu et décrivez vos sensations, vos impressions…

Vous allez constater, je suppose, que cette image ne vous laisse pas neutre. Vous constaterez aussi que toutes les pensées et sensations qui vous ont traversé ont été générées par une image fixe, statique.

Premier constat : nous n'avons pas obligatoirement besoin que quelque chose soit réellement là devant nous (cette femme en chair et en os) pour ressentir quelque chose. Et nous faisons cela par le biais de l'interprétation. Notre cerveau interprète en permanence ce qui lui parvient des capteurs sensoriels (la langue, le nez, la peau, les oreilles et les yeux) grâce à nos capacités sensorielles que sont le goût, l'odorat, le toucher, l'ouïe et la vue. Il interprète pour que nous puissions nous adapter à la situation et rester vivant, c'est un comportement archaïque hérité depuis des millénaires. En restant un petit moment bien concentré sur cette image nous pouvons ressentir comme de l'agressivité, une menace. Pourtant une partie de nous sait très bien qu'elle ne risque absolument rien car nous ne faisons que regarder quelque chose qui n'est pas réellement devant nous : personne ne nous menace directement.

Deuxième constat : à chaque instant de notre vie notre corps perçoit des milliers d'informations sonores, visuelles, etc. Et la plupart ne nous sont pas conscientes. Ces informations vont nous influencer sans notre "permission". Elles nous influencent car elles s'appuient sur un vécu sensoriel expérimenté dans le passé, ou sur une mémoire héritée culturellement, socialement.

Troisième constat : tout notre vécu, de la conception à ce jour va peser fortement dans la balance de nos comportements face à une situation réelle ou imaginée. Par exemple, si la femme ci-dessus avait la peau d'une autre couleur ou était habillée en treillis militaire, selon notre vécu personnel l'interprétation aurait été un tant soit peu différente. Par soucis de survie toujours, ce mécanisme interprétatif s'opère de manière extrêmement rapide et notre réaction peut, elle aussi, être très rapide. Mais est-elle bien adaptée ? Par exemple, vous rentrez dans votre bureau au boulot et vous dites "Bonjour !". Votre collègue vous regarde mais ne vous réponds pas. Quelles sont les pensées, les sensations – voire les émotions – qui vous traversent à cet instant ? Comment réagissez-vous ?

Quatrième constat : nous agissons de manière automatique. Généralement nous ne prenons pas le temps d'observer ce qu'il se passe réellement en nous, nous réagissons inconsciemment à la situation. Nous ne savons pas quelles mémoires ont été activées, celles qui vont faire défiler des pensées particulières dans notre mental, celles qui vont nous faire dire des choses (parfois pas sympathiques) à quelqu'un, celles qui vont nous faire mettre en mouvement – attaque, fuite ou prostration, les 3 états naturels de survie. Bien entendu nous parlons ici de survie affective, psychologique.

Cinquième constat : le cerveau ne fait pas la différence entre une attaque réelle (physique) et ce que nous percevons comme une agression verbale, émotionnelle ou affective. Par exemple si j'entends une personne me crier (à fortiori si c'est quelqu'un de proche affectivement) : " tu m'as trahi.e, trompé.e, menti.e ! Tu es ……… ! ". Que se passe t-il en vous ? Ensuite, que faites-vous avec les tensions internes qui surgissent ? Soyez honnête envers vous (si cette situation vous parle bien sur, sinon ce ne sera pas difficile d'en trouver une autre !) et constatez qu'en général vous allez soit essayer de vous défendre – en attaquant l'autre, soit vous prostrer – en pleurant et vous culpabilisant, soit fuir – en claquant la porte. Ceci est cité à titre d'exemple, nos vécus personnels sont tous différents et les stratégies mises en place pour se protéger sont nombreuses.

Dans la réalité physique, nos oreilles ont entendu des mots, nos yeux ont vu une personne avoir une certaine attitude, cela a créé en nous des sensations, des pensées, et des émotions. Puis il y a eu l'envie de réagir d'une certaine manière pour que ces tensions internes se calment ou cessent, ce qui est une réaction parfaitement naturelle.

Sixième constat : nous utilisons beaucoup d'énergie, la plupart du temps inconsciemment, pour ressentir le bien-être le plus souvent et longtemps possible, et pour repousser et éviter le mal-être. Nous subissons ici une autre loi naturelle qui est la loi d'attraction / répulsion. J'aime ou je n'aime pas, qui sont les extrêmes. Entre les deux se glisse une palette de nuances qui s'étire à l'infini. Prendre conscience de ces paramètres en les constatant quand ils s'expriment nous place dans un espace qui se situe en dehors des circuits automatiques.

Septième constat : nous avons le pouvoir de changer notre vie en changeant notre regard sur elle. En effet, si je vois clairement le déroulement des pensées en moi, ce qu'elles cherchent à me faire faire, à me faire dire ou faire agir d'une certaine manière (et surtout pas d'une autre), je suis libre de les suivre – ou pas ! Car entre nous, pourquoi écouter une pensée qui va nous causer du tort ? Pourquoi croire une pensée qui nous fait nous sentir mal (la culpabilisation par exemple) alors que nous recherchons si fort le bien-être ? Mais les pensées vont si vite, et on nous a tellement appris que ces mots qui traversent notre conscience C'EST NOUS ! Mais ça aussi c'est un comportement acquis, il n'est pas inné. La pratique de l'observation des pensées apporte beaucoup de tranquillité grâce à la compréhension de nos propres mécanismes de survie affective.

Huitième constat : Plus je me connais, plus je connais l'autre. Nous autres bipèdes, qui nous appelons Humains, utilisons une multitude de stratégies différentes pour obtenir ce que nous voulons, mais il y a un endroit où nous nous rejoignons tous de façon équitable, c'est dans la forêt de nos BESOINS. Fondamentalement nous avons tous les mêmes besoins. Pour en citer quelques uns, et ils ne sont pas si nombreux que ça, il y a :

  • Le besoin de sentir l'amour, le partage, le respect, la délicatesse, …
  • Le besoin de rire, de jouer, d'expression, d'interdépendance, …
  • Le besoin de compréhension, d'unité, de réalisation, …
  • Le besoin d'autonomie, d'évolution, d'intégrité, etc.

Il faut avouer tout de même que nos habitudes comportementales sont coriaces et les débusquer n'est pas une mince affaire, surtout quand on nous a appris depuis tout petit que le meilleur moyen d'avoir raison c'est de prouver à l'autre qu'il a tort !

Ce que vous venez de lire se présente comme faisant partie d'une longue série d'articles sur la manière dont nous percevons le monde (intérieur et extérieur) et ses phénomènes, ainsi que leurs interactions réciproques. J'utiliserai pour étayer ces concepts – au demeurant très pragmatiques et efficaces pour ceux qui voudront bien les essayer, des sujets comme l'Image de soi, les stratégies d'évitement, les projections identitaires, la peur de vivre, etc.

Merci de votre patiente lecture.

Christian Patouillard

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