s’Offrir au monde.

fleurs qui s'offrent

s’Offrir au monde

« Un jour spécial, j’ai rencontré une fleur. Une toute petite fleur blanche, elle a bouleversé ma vie ».

Ces deux phrases peuvent sembler ridicules au premier abord, et pourtant c’est la vérité. Grâce à cette rencontre exceptionnelle j’ai compris ce que cela voulait dire que de s’Offrir au monde – ce que j’ai tendance à oublier régulièrement.

Cette énergie qui nous traverse et que l’on appelle le Mental est une « chose » bien particulière. Les pensées nous séparent des objets, des situations, des animaux, des autres et de notre vie. Prenons le temps d’examiner cela si vous voulez bien, car c’est la base de notre vie psychique, et donc de la plus grande partie de notre existence.

Asseyons nous confortablement sur une chaise ou dans un fauteuil, laissons notre corps se détendre au rythme d’une respiration qui va tranquillement se ralentir. Peu à peu les tensions de nos diverses parties corporelles vont se défaire et nous pourrons alors percevoir des mouvements qui n’étaient pas perceptibles jusqu’alors. Quand on dirige notre attention vers quelque chose, cette chose devient plus présente, plus évidente. Porter une attention légère sur les sensations corporelles est un entraînement quotidien. Cela apprend à diriger l’esprit sur un support et, surtout, à s’y maintenir.

Après un certain laps de temps, variable selon chacun, on peut se rendre compte qu’il n’y a rien à faire d’autre pour exister. Le corps a ses propres règles de fonctionnement et reste vivant sans aucune intervention de notre part : il s’Offre au monde. Il EST, sans conditions mentales, sans notre avis. Même en présence de douleurs éventuelles il rayonne de son existence. Il n’y a pas de besoin particulier puisque notre principal et plus profond besoin est rempli, celui d’être rassuré de nous ressentir vivant. Remarquons ici qu’il n’y a aucun effort à faire pour rester vivant, la Vie s’offre à travers notre corps, et nous donne en même temps la possibilité incroyable de la ressentir. Et même quand, de manière sans doute rarissime notre vie est en danger, des mécanismes de survie se mettent en route pour continuer à vivre. Il n’y a aucun effort à faire car l’effort de rester en vie fait aussi partie de la vie qui tend à se maintenir. Si nous comprenons cela de manière profonde, non pas intellectuellement mais par le ressenti corporel, alors nous pouvons éviter de rajouter des tensions à celles éventuellement présentes pour le maintien de la vie. Une forme de détente s’installe doucement, une détente profonde de détachement, de lâcher-prise sans volonté, juste laisser la vie être, s’Offrir.

A partir de ce moment là nous pouvons commencer à observer nos pensées. Toujours bien assis confortablement, le corps détendu et ouvert nous regardons passer nos pensées. Prenons garde à observer le processus de pensée et non pas le contenu des pensées, c’est-à-dire les histoires qu’elles racontent. Dans ce type d’exercice, les histoires n’ont absolument aucune importance car s’attacher à elles nous entraînera à coup sur en dehors de nous-même. Peut-être constaterez-vous alors que les pensées sont un peu comme de la colle, une glue qui cherche à attirer notre attention pour rester dans l’histoire qui commence à se tricoter. Voyez comment les pensées fonctionnent, de quels types elles sont : plutôt fluides ou saccadées, lentes ou rapides, brouillons ou claires, abondantes ou espacées, sous forme de sons ou d’images, etc. Sentez celles qui vous attirent et celles qui vous repoussent, celles qui tournent en boucle, celles qui renforcent les sensations corporelles ou éveillent des émotions, celles qui calment ou énervent. Plus vous pratiquerez cet exercice, plus vous verrez nettement que les pensées sont des phénomènes abstraits, dépourvus d’existence propre dans le sens où elles apparaissent venant de nulle part, elles ne font que passer (même si certaines se répètent souvent) et disparaissent très rapidement on ne sait où. La Vie s’Offre ici aussi à elle-même, par le mouvement, par la danse quasi incessante des pensées qui poussent bien souvent à l’action. La personne esclave de ses pensées est un être qui ne sait pas qu’il n’est pas ses pensées, ces dernières – force est de le constater – nous mènent bien souvent par le bout du nez. Elles nous font faire ce qu’elles veulent, elles collent à notre vie et nous trouvons cela normal. Avec un peu de recul nous pouvons voir que c’est une folie que de croire en elles sans jamais les remettre en question, sans se demander si elles disent la vérité, si elles sont justes quand elles nous poussent à porter préjudice à quelqu’un ou quelque chose.

Constatons encore que les pensées n’ont pas besoin de notre agrément pour apparaître dans notre conscience, et pour disparaître aussitôt sans laisser d’autres traces que l’envie subite (et souvent saugrenue) de dire ou de faire quelque chose qui n’a rien à voir avec la réalité d’une situation. Pourquoi la croire quand elle nous dit de boire encore un verre alors que nous savons qu’il sera de trop ? Pourquoi la valider quand elle nous dit d’insulter quelqu’un alors que c’est une personne que l’on ne connaît pas, ou encore pire quand c’est une personne que l’on dit aimer ? Pourquoi la suivre quand elle nous pousse à frapper un animal ou un humain qui ne nous a pas touché physiquement ?

Pourquoi les pensées nous font-elles faire autant de choses les plus affreuses les unes que les autres, ou au contraire nous incitent à soutenir, aider, cajoler, créer, embrasser ?

Tout simplement parce que nous sommes intimement persuadés que les pensées qui nous traversent c’est nous. Et l’idée d’être autre chose que nos pensées est insupportable pour la plupart des humains. Ce que nous appelons Ego est tout bonnement une croyance. Une croyance bien ancrée depuis des millénaires qui fait croire au porteur des pensées qu’il est elles. C’est un système de survie naturel qui fabrique des identités à l’intérieur de nous pour justifier une existence « personnelle ».

Si vous avez envie de respirer plus tranquillement à l’intérieur de votre corps et de votre esprit, essayez donc de favoriser cette habitude qui consiste à prendre du recul sur ce que racontent vos pensées. Laissez les donc passer, laissez les vous offrir leur présence et leur contenu, elles racontent ce que vous n’êtes pas – et parfois ce que vous êtes sans que vous le sachiez.

Les gens qui nous insultent ou qui nous complimentent, ceux qui vomissent leurs émotions sur nous, nous parlent d’eux en se servant de nous comme support. Leur vie, leurs émotions s’Offrent au monde et nous sommes juste là pour les accueillir, que cela nous plaise ou non. A nous de voir ce que nous faisons avec ce qui apparaît alors en nous à ce moment là, et apprécier les conséquences de nos actes à venir. Ces actes qui ne sont que des germes quand ils ne sont encore que des pensées.

S’Offrir au monde est facile quand on le comprend, s’Offrir au monde est difficile – voire impossible quand la peur de vivre des situations particulières est présente en soi.

Pour nous y aider nous pouvons nous inspirer de la nature qui ne demande absolument rien, mais qui continue de donner après tous ces millénaires de maltraitance. Non pas qu’elle ait une volonté particulière envers nous (puisque nous sommes de la nature), mais constatons que la Vie continue quoi que nous fassions. Et sans doute continuera t-elle encore longtemps, avec ou sans nous.

Aussi fragile qu’une toute petite fleur blanche cachée sous un arbre, aussi forte que l’énergie qui l’a faite naître, elle et ses milliards de petites sœurs sur et sous tous les arbres du monde.

Et si tout s’Offre, soyons heureux de tous ces cadeaux !

Christian Patouillard

Texte dédié à une sœur et un frère de cœur, Thao et Sébastien.

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