Faire et laisser faire.

Ecouter la vie s’écouler.

Tout comme vous je suppose, j’adore faire plein de choses. Mon corps et mon esprit sont envahis du vouloir faire, agir, comprendre, connaître, expérimenter, sentir, bouger. J’aime chanter, faire du vélo, de la poterie, jouer d’un instrument, couper du bois, construire un meuble, faire l’amour, marcher dans la nature, écrire et parler, rire, caresser, etc.

Faire plein de choses me donne un statut d’actif, de performant, de non fainéant. Le Faire utilise l’énergie bouillonnante de mon corps et exprime la force de la Vie qui sans cesse se recrée. Faire c’est expérimenter, c’est découvrir et s’émerveiller de cette nouveauté. Faire c’est aussi parfois affronter l’inconnu, se découvrir des talents ou des limitations. Faire c’est se sentir vivant et vibrant.

 

Je fais plein d’activités et ça m’éclate ! Je ne vois pas le temps passer et c’est génial !

Mais parfois je le fais de manière un peu boulimique. Il me semble que je pourrais faire plus, pour expérimenter encore. Même fatigué, ma tête me dit « tu peux encore faire ça », ou « finis ce que tu as commencé ! ». Faire jusqu’à en perdre haleine.

Faire encore parce que c’est important, je le dois, j’y suis obligé par mes engagements, ma responsabilité. Il faut le faire car des personnes attendent que ce soit fait. Et si je ne le fais pas je risque de perdre mon poste, ma place sociale, le regard approbateur de l’autorité affective. Et puis je le dois pour payer mes factures, assurer le bien-être de mes enfants, pour ma retraite, pour me payer du bon temps (après), pour que mon projet aboutisse, etc.

Jusqu’où cela peut-il aller ? Parfois cela en devient addictif, malgré les signes corporels ou psychiques évidents de fatigue quelque chose me pousse à en faire encore.

Du coup, cette rage du faire gagne sur ma vie relationnelle. Je vois moins mes amis, ma famille, ma compagne, mes enfants. Mon esprit est toujours occupé par les activités en cours ou à venir.

Cela génère des tensions psycho-physiques qui n’ont pas le temps de se résorber lors des courts temps de pause nocturne. Je deviens un « hypertendu ».

 

Quelques fois la maladie (comme le Burn-out) ou un accident corporel pousse à faire une pause involontaire, ou bien la situation l’impose (comme une perte d’emploi, un changement de vie affective ou géographique). Et c’est ce que j’ai vécu : un divorce. Événement qui a changé ma vision du Faire (entre autres).

Obligé de me poser car ayant presque tout perdu, j’ai dû prendre le temps de faire… rien. Surgit alors le sentiment de perdre mon temps à ne rien faire (dissolution de l’image d’un moi que je connaissais bien au travers du faire), associé à une perte de contrôle de ma vie, avec en même temps une sensation d’angoisse et d’inutilité. L’avenir devient un grand brouillard grisâtre morne, triste et désespérément vide, inactif.

C’est le genre de remise en question que beaucoup d’entre vous ont sans doute connue.

 

Alors je me suis demandé : « Mais comment ce comportement du faire compulsif a-t-il pris racine, quels ont été les processus engagés ? ».

Des pistes sont apparues grâce à la méditation et une grande honnêteté envers mes systèmes de croyance et de fonctionnement psycho-affectifs.

Malgré tous mes efforts pour vivre plus fort, plus loin, plus vite, plus haut, plus beau, plus grand, plus lumineux, plus performant, plus calme, plus sage, plus éveillé, je constate finalement avec amertume et épuisement – mais avec en même temps un grand soulagement – que je ne peux faire plus que CELA ne veut aller. En moi ça baisse les bras, l’abandon s’installe, doux et tranquille. Tel un château de cartes, une partie de mon être illusoire tombe.

 

CELA c’est tout ce qui ne dépend pas de moi, et c’est absolument  gigantesque. Au lieu de focaliser toute mon attention sur le DEVOIR faire, je regarde plus attentivement le COMMENT ça se fait. C’est-à-dire je cherche à prendre contact avec ce qui me pousse à faire quelque chose, ou à ne pas le faire. Je suis attentif à ce qui se trouve dans l’espace avant l’acte de faire. Quels sont l’impulsion, la motivation, le désir, le besoin, la pensée, le manque, la peur ou la sensation qui me poussent à agir ?

Un nouvel univers s’ouvre à ma conscience. Je prends contact avec une multitude de « moi » que je ne connaissais pas. Je me rends compte que lorsque je cherche à faire en excès, comme :

– vivre plus fort par peur de ne pas me sentir assez vivant, je veux vibrer car je crois que c’est la seule solution (faire la fête, prendre des substances ou de l’alcool). Ou alors c’est pour échapper à une sensation de malaise, bien connu ou au contraire très diffus.

– vivre plus loin pour dépasser mes limites car je me cherche encore comme un ado qui cherche qui il est, où sont ses limites, quel est son territoire.

– vivre plus vite pour en faire plus, pour ressentir plus fort, pour oublier le passé.

– vivre plus haut pour me sentir intégré socialement, ou paraître intelligent parce que je manque de confiance en moi.

– vivre plus beau pour plaire davantage, car j’ai peur de me sentir rejeté, peur de la solitude.

– vivre plus grand pour me sentir moins petit, parce que je me compare sans arrêt aux autres et à ce qu’ils réussissent.

– vivre plus lumineux par peur de l’ombre, par peur des parties de moi que je ne connais pas ou que je n’accepte pas.

– vivre plus performant par peur de perdre l’affection du regard approbateur de l’autorité ou pour me rassurer en donnant une image qui est sensée rassurer les autres.

– vivre plus calme pour donner l’image de quelqu’un de zen, car c’est une manière de plaire et j’ai peur de déplaire.

– vivre plus sage pour me donner un statut convoité. Je contacte ici un certain délire de perfection qui rejoint le besoin d’être considéré « spécial ».

– vivre plus éveillé parce que cela correspond à un idéal, et que je ne suis jamais satisfait de ce qui est déjà là simplement. J’ai aussi appris que pour mériter quelque chose il fallait travailler dur.

 

Bien entendu, ceci est un petit échantillon de ce que l’on peut découvrir en soi quand on décide de prendre le temps de s’écouter. Ce n’est évident car cela demande une grande vigilance, tellement sont intégrées les habitudes de fonctionnement réactif. Mais, peu à peu grâce à une certaine discipline, de nouvelles évidences se font jour en soi et notre vie change.

Maintenant j’ai beaucoup moins besoin de faire plaisir ou de jouer à celui qui est efficace, gentil, beau, parfait. Je prends plus volontiers le risque de déplaire, de paraître différent. Je n’ai plus la nécessité de faire ce que les autres attendent de moi, comme un toutou qui attend sa récompense par une douceur, une caresse, une promotion.

 

Le faire est indispensable car il est impossible de ne rien faire du tout, ce qui reviendrait quand même à ne faire rien. Faire est le mouvement vivant qui nous traverse, mais il peut être dévoyé par ce que nous en racontent certains de nos mécanismes éducationnels (ou mémoriels) restrictifs. Quand c’est le cas, nos « faire » ne sont pas vraiment adaptés aux situations et il en résulte inévitablement de la souffrance en soi et autour de soi.

 

Désormais j’utilise beaucoup de temps à apprendre à écouter.

Écouter les oiseaux voler,

Écouter les feuilles des arbres chanter,

Écouter le silence qui baigne le sourire des étoiles,

Écouter la vie des gens que je rencontre,

Écouter mon corps, mes pensées, mes émotions et mes besoins,

Écouter un sourire timide,

Écouter une musique fleurie,

Écouter mes joies et mes peines,

Écouter le corps d’un chat qui ronronne,

Écouter le Terre qui tourne et le Soleil qui brille le Ciel…

Écouter la Vie qui s’écoule procure une joie profonde que je ne peux expliquer : Cela se fait.

Christian Patouillard

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1 réponse

  1. Dominique PARODI dit :

    Le faire appartient au monde du mental impulsé par des mémoires mentales, émotionnelles et corporelles qui ont été créé par l’Etreté pour des raisons qui lui appartiennent. Car nous n’avons pas la capacité d’en déterminer la cause. Cela dépasse à mon avis la personnalité d’un seul individu mais relève d’un inconscient ou d’un conscient collectif de retour à la source.
    Pour ma part, le faire repose sur une expérience physique et émotionnelle des premières heures de mon vécu dans le ventre de ma mère, entre la vie et la mort.
    Les mots ne suffisent pas pour exprimer cette sensation de vivance ou de l’ordre du morbide.
    Pour autant, toute ma personnalité a été tournée autour de cet événement.
    La peur de mourir et la colère de vivre cela , car mon mental aurait aimé qu’il en soit autrement et demeure inlassablement orienté vers des considérations intérieures qui tournent uniquement autour de lui, d’où le faire en réaction dont tu faisais écho dans ton article.
    Le faire, dans mon expérience est de l’ordre de la survie. Si je ne fais rien je meurs !!! L’Etreté de mon frère jumeau ayant choisi la mort physique, émotionnelle et mentale.
    Toutes mes cellules sont imprégnées de cet état d’urgence. Je dois être rapide et efficace sinon je meurs.
    Mon faire est donc animé par la peur et la colère. L’agitation mentale que je vis n’est là que pour éviter de vivre cela. Penser pour oublier de re-ssentir.
    Le travail de perception du corps et du ressenti est la seule voie possible.
    Le faire chez moi est action et ré-action toujours dans le vécu du passé comme un film qui se répète.
    Mon choix n’existe donc pas, je suis une machine mécanique du faire pour éviter de ressentir que la mort est inévitable.
    Bien sûr arrivent toutes les justifications mais elles ne sont qu’une façade à une explication plus profonde de la peur de mourir ou de vivre car je l’ai vécu dans mes cellules. Mon mental s’attache à cette croyance pour faire naitre l’illusion de l’éternité. Or, sa mort est inéluctable.
    L’intime conviction de vivre l’éternité est une confusion du mental pour garder le pouvoir d’une survie illusoire car seul le souffle de vie est empreint d’impermanence. Faire naitre une identité pour survivre, tel est la mission du mental qui se veut de se sentir isoler, couper du tout- Sa seule façon d’exister.
    La mort dans chaque instant est le véritable prélude de la vie. Sans elle, la vie de l’Etreté n’a pas de consistance. Ainsi, tout ce qui est vécu n’appartient qu’au choix de notre Etreté, mental, émotions…
    Mon mental souffre vraiment. Il compare son expérience par rapport aux autres qui parlent de conditionnement à partir de 2 ans. Moi c’était à la première heure de ma conception. Le mental s’accroche à cette pensée racine pour ne pas mourir.
    Lâcher cette mémoire en la reconnaissant, la laisser passer et faire confiance à mon Etreté.
    J’étais persuadée que l’Etreté n’était qu’à l’intérieur et donc dès lors que l’extérieur venait à moi, il fallait s’assurer une protection resserrant encore plus cette énergie dans ce corps étriqué. Or l’esprit n’est pas qu’à l’intérieur il est aussi à l’extérieur. Se protéger de l’extérieur c’est subséquemment, aussi, de fait, de se couper de soi qui est le tout.
    Le fait d’être dans le passé et le futur évite de ressentir dans le présent.
    Chaque expérience négative est lue à partir d’un filtre mémoriel.
    Etre sans tension dans son corps permet de ne pas s’attacher à une absence identification mémorielle du présent. La mémoire étant le seul siège du mental.
    S’attacher à lâcher les tensions dans le corps, lors de la survenance inévitable d’événements, permet de rendre fluide et plus dans la fermeture de l’espace en soi et permet, par voie de conséquence, une ouverture de l’intérieur vers l’extérieur.
    Le siège de l’esprit n’est pas individuel. Il souffle indifféremment à travers tous les êtres de sa création (homme, animaux, plante…), puisque nous sommes le tout.
    Pas d’attache, pas de tensions, juste à ressentir l’imaginaire puisqu’ aujourd’hui le traumatisme n’existe Plus. C’est juste le cerveau limbique qui veut protéger et qui s’invente tout un film qui n’existe pas dans la réalité. Or, Il n’y a juste qu’un événement. C’est le fait de rajouter par le mental qui fait que cela devient souffrant.
    En bref :
    1- Si tension dans le corps alors pensée mouvementée
    2- Se rendre compte que le surajout provient d’une mémoire passé protectrice
    3- Se rebrancher dans le corps et lâcher les tensions, laisser passer les émotions sans identification.
    4- Ouvrir l’espace en soi pour que la fluidité de la vie soit présente
    5- Ne rien faire, laisser faire.
    Ne rien faire est une bonne question, le laisser faire la solution !!!
    Seuls l’intention et la gratitude sont l’action.

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